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Mali : le pays des petits arrangements


Au Mali, tous les problèmes et infractions se règlent à l’amiable… soit par l’intervention d’une personne importante, soit par des dessous de table etc. On se demande alors à quoi cela sert d’avoir des lois ! La loi, elle est faite pour qui ? Si tous, par nos statuts sociaux et nos relations, nous outrepassons les lois censées assurer la cohésion sociale, la justice, et l’égalité dans notre pays… alors à quoi servent les règles ?

On peut dire que le Mali est une grande famille, une société qui, dans ses traditions, brise les barrières des différences et rejette au loin l’individualisme. Que ce soit par le cousinage à plaisanterie, ou la charte du Mande, tout est fait pour unifier et consolider le peuple.

La solidarité et la communication sont un des principaux traits du peuple malien. Cela a donné naissance a cette particularité que les Maliens ont d’arriver à résoudre leurs différends et leurs litiges, avec les seules forces du sigi ka fô (ou la concertation). Peu importe les malentendus ou les problèmes, avec l’intervention des personnes âgées, des autorités coutumières ou religieuses, on trouvera toujours une solution à l’amiable.

Avant la colonisation, les griots, mais aussi les autorités coutumières et religieuses, jouaient le rôle de « cadi », de régulateur de la société. Leurs verdicts ou leurs décisions au sujet des querelles étaient respectées, à défaut de s’attirer l’ostracisme de toute la communauté.

Avec l’indépendance et l’avènement de la démocratie, les coutumes, les règles sociétales et les autorités coutumières ont été supplantées par des juges, la Constitution et l’Etat. Avec cette nouvelle configuration l’application stricte de la loi reste la condition sine qua non d’une société juste et égalitaire.

Malheureusement les interventions de personnes influentes pour résoudre des différends est devenu un moyen pour déroger à la loi, qui n’est ainsi plus respectée. L’application de la loi est problématique au Mali : tous cas d’infractions, d’écart de conduite, se règlent par des solutions à l’amiable, des petits arrangements, qui nous prémunissent des décisions judicaires. C’est ça la réalité de la justice malienne.

Tout se négocie au nom des affinités. Les exemples sont nombreux, un parent qui intervient pour négocier l’admission de son fils à un concours, un accident de la route que l’on règle par l’argent,sans passer par la justice, ou encore le fonctionnaire qui détourne les fonds de l’Etat sans aucun risque de poursuite, et aussi l’automobiliste qui ne se met pas en règle car il connait des personnes influentes, et pour d’autres ce sera la même chose en cas de vols, de violences ou même de viols. L’intercession de personnes influentes, d’une autorité, ou même de quelques billets suffisent à freiner l’application de la loi.

Cette formule qui existait auparavant pour résoudre les querelles sociales, héritée de notre tradition, est devenue aujourd’hui anachronique. Même si cette forme de médiation était positive, car elle avait l’avantage de pacifier la société en incitant à la communication et en encourageant l’indulgence, le Mali ne peut plus fonctionner ainsi. Les temps ont changé, la société n’est plus la même. Cette formule autrefois positive s’est transformée en une incitation à déroger aux règles et à la loi et donc à créer des inégalités et de l’injustice. Elle favorise l’impunité, obstrue l’application de la loi, et sape l’autorité de l’Etat. En 2017 selon rapport de vérificateur général, 70 milliards, ont été détourné des caisses de l’Etat !

Autrefois la population respectait les cadres de la société, le décorum : personne ne voulait être la risée de la communauté ou entacher le nom de sa famille d’une quelconque vilénie. La plus grande richesse de chacun c’était son honneur. Mais les temps ont changé, sans une application effective et impartiale de la loi, point de société juste et prospère.

Les plus grands maux du Mali sont la corruption et l’impunité. Il est temps de faire la part des choses : suivre les traditions tout en respectant la loi et veiller à son application. Cette utilisation erronée de nos coutumes ne nous ressemble en rien. L’application de loi doit prévaloir sur les traditions, elle doit s’appliquer à tout le monde, sans différence de considération.

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Auteur·e

makaveli

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