Makaveli

Mali : les cours à la télé ne passent pas

Les élèves maliens à vos téloches, désormais vous suivrez vos leçons à travers vos petits écrans, enfin si vous en avez ou si vous êtes épargnés par les délestages.

J’utilisais fréquemment pour me ressourcer un logiciel éducatif nommé encarta. C’était comme une encyclopédie numérisée. Une fois installé sur une il était utilisable online et offline. Je ne sais plus s’il existe toujours mais bon, ce n’est pas ce qui nous intéresse ici.

La pandémie du coronavirus qui paralyse le monde a dans ses multiples conséquences, provoquée la fermeture de toutes les écoles. Mais bien avant les écoles publiques étaient déjà fermées depuis de mois, comme l’année passée et surpassée.
Comme c’est inadmissible que les enfants des écoles privées restent à la maison sans cours au risque de faire une année blanche, l’Etat a décidé d’agir.


Le gouvernement malien a décidé que les cours passeront dorénavant à la télé. Alors les élèves à vos téloches. Sauf que dans le pays nous n’avons pas tous la télé ni l’électricité à tout moment, ni partout.

Nous avons eu l’occasion de réinventer l’éducation au Mali, nous avons préféré les cours à travers la télé.

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Disons-le, les cours que nous voyons à télé ne sont ni adaptés, ni attractifs pour les élève. Plus, ils ne permettent pas une vraie interaction entre enseignants et enseignés. Plus, les présentateurs ne sont pas des professionnels. Les cours ressemblent plutôt à un one man show de mauvais goût.

Des voix se lèvent pour montrer le caractère théâtrale et improductif des cours à la tété. D’autres par contre pensent que nous devons nous en contenter. Selon ces derniers, nous sommes en guerre contre le coronavirus, donc il faut religieusement accepter ce geste du gouvernement et dire merci monsieur le Président. Sauf que l’éducation est aussi importante au même titre que la santé pour être traitée comme une affaire simple.

Revenons à notre vieux encarta. Imaginez un peu tout le programme éducatif de toutes classes de l’école malienne dans un seul logiciel. Avec la possibilité de faire des exercices et recevoir automatiquement le corrigé. L’opportunité d’être dans un groupe d’études et d’échanger avec d’autres élèves. Et même d’envoyer un message à son professeur. C’est cool non ?

L’éducation est aussi importante au même titre que la santé pour être traitée comme une affaire simple.

Makaveli

Je sais, ça peut paraître pharaonique ou anachronique pour un pays comme le Mali, avec une électricité instable et l’internet trop lent, trop cher.
Mais croyez-moi ici nous avons les cerveaux et les moyens pour le faire si nous le voulons vraiment.
Savez-vous déjà que des jeunes ont développé une université virtuelle ? Oui des jeunes maliens et au Mali. Alors nous avons les compétences locales pour réaliser un tel projet.

Aussi sur le marché nous avons des tablettes à 20 000 FCFA ce n’est pas si cher quand même pour notre Mali. Nous pouvons doter nos élèves et étudiants de ces tablettes avec le logiciel dessus.
En attendant de voir clair dans le trouble que suscite le coronavirus, cette alternative peut sauver l’année scolaire et même l’initiative peut être améliorée pour une meilleure application dans le futur pour compenser les tares de notre système éducatif.

Ah j’oubliais pour la connexion on peut envoyer un giga par mois pour chaque tablette afin qu’ils envoient les données et discuter avec les enseignants.
Franchement je trouve que les cours à la télé ne passent pas. D’ailleurs au Mali tout le monde a un téléphone mais pas la télé. On regarde plus souvent son téléphone que sa télé. Faisons un peu plus d’effort. Mettons fin au one man show insipide et indigeste pour éduquer nos enfants avec des outils et des contenus adaptés.

Pour conclure, je dirais qu’un bon gouvernement est celui qui en des circonstances difficiles fait des choses extraordinaires avec des moyens simples.


Tout se passe comme prévu, sauf l’imprévu

Un esprit éclairé a dit « Si tu veux faire rire Dieu, parle lui de tes projets » et je crois que là, Il s’esclaffe de l’état du monde.

Pour beaucoup de personnes, 2020 serait une année sans faute, une année 20 sur 20 comme on aime le dire. On a accueilli l’année avec de nouvelles résolutions, on s’est armé de pugnacité et d’optimisme pour tirer profit de cette chance. Sauf que l’imprévisible s’est invité dans la danse. Comme si la vie voulait nous éprouver ou se moquer de nous.

Moi dans mes projections, je voulais faire beaucoup d’argent en travaillant dans ma boîte, voyager, faire le tour de l’Afrique de l’ouest et lire une cinquantaine de livres.
En fin mars, je devais séjourner en côte d’Ivoire, mais me voilà ici, cloîtré dans ma chambre comme une ermite depuis une semaine. Aussi, maintenant on parle de télétravail, les activités sont en baisse, il n’y a pas beaucoup de marchés. Le mode survie et le mode économie sont simultanément enclenchés.

Personne n’avait prévu une stagnation générale des activités en cette période de l’histoire de l’humanité.

Faire des projets, se projeter dans l’avenir, imaginer notre devenir et se mettre à le façonner démontre notre capacité de transcendance. Le pouvoir de notre emprise sur notre propre vie. Comme si nous écrivons notre propre destin. Faire des projets, c’est une manière de montrer que c’est nous qui adaptons la réalité à nos besoins, nos envies. C’est refuser la fatalité et faire les choses comme on voudrait pour nous-même.

Mais nos résolutions, nos projets se heurtent souvent à la dureté implacable de la réalité.

Il arrive que la contingence cadenasse nos résolutions, étouffe nos projets par des événements inattendus et incontrôlables. Et c’est à ce moment qu’on réalise notre impuissance face à la nature. Tout se passe bien sauf l’imprévu et dans la réalisation de nos projets, il y aura toujours un élément perturbateur pour nous rappeler qu’on ne contrôle pas tout.

Le monde entier stagne au cause du Coronavirus. Un virus qui pousse les humains au confinement, provoque l’arrêt des activités économiques. Nous sommes nombreux à mettre en quarantaine nos rêves, nos projets. Nos seuls projets sont la survie.

Que faire ? Atermoyer et attendre ? Abandonner et larmoyer ? Adapter et se battre ?

Même si le cours des événements échappe à notre emprise, notre responsabilité et notre mérite constituent notre capacité à nous adapter, à évoluer pour mieux aller de devant.
Si le monde est en arrêt, le temps ne fait pas de pause, alors chaque jour, il faut faire quelque chose aussi minime soit-elle qui concourt à la réalisation de tes rêves.

A la fin de cette pause que fait le monde, des génies se révèleront, ils auront pendant le confinement travaillé leur talent. Aussi, certains se trouveront piégés dans le présent, ils n’auront fait que musarder.
C’est là l’aubaine de faire son introspection, de se regarder honnêtement avec la loupe de la sincérité pour apprendre à être soi, à être avec soi. Profitons de ce moment pour nous ressourcer et être prêts à vivre pleinement le monde post covid.


La vie ici a le goût de chloroquine

Comme si ce n’était pas suffisant, il a fallu qu’un virus étranger et étrange vienne envenimer une conjecture déjà complexe et difficile. Entaillés par une crise multiforme économique, scolaire et sécuritaire, nous devons maintenant faire face à une crise sanitaire.

Nous voilà ainsi, vulnérables et exposés, face à ce virus qui déstructure l’ordre du monde. Si les grandes puissances avec tous les moyens médicaux dont ils disposent sont à genoux et confinés, notre pauvre Mali saura-t-il faire front face à cette pandémie planétaire ?

L’État, avec ses mesures mollassonnes, n’a pu nous prémunir de ce malheur. L’ardeur du soleil n’a pas été un bouclier efficace. Les décoctions à base de neem, citron et gingembre ne sont d’aucune utilité pour soulager contre ce mal. Les prières des leaders religieux sont restées sans réponse. Piégés par cette maladie qui présage aussi une crise économique, la vie ici a déjà le goût de la quinine.

Nous n’avons que quelques respirateurs et un nombre insuffisant de tests. Le Ministre de la santé lui-même, nous a assuré de la vétusté de notre plateau médical et de l’incapacité à assurer la prise en charge efficace des personnes infectées si leur nombre venait à s’élever. D’ailleurs les mesures prises par le gouvernement pour juguler le virus peinent à faire effet et ressemblent à des actions désespérées d’un Etat qui ne sait plus quoi faire. Le couvre-feu et la distance sociale ne sont pas des réponses adaptées à notre contexte.

Prions que l’on trouve un vaccin, sinon, impossible de contrer le virus avec les mesures barrières au Mali.

Ici tout se fait en groupe. Ensemble nous partageons nos malheurs comme nos bonheurs. Il est quasiment impossible de maintenir la distance sociale. Il y aura toujours une occasion où nous nous trouverons en groupe, ne serait-ce que pour manger. Il faut toujours rendre visite à un malade, se regrouper pour faire un grin, aller visiter un ami, participer à un mariage, faire acte présente à un baptême. Les transports en commun et les marchés ne font pas exception à la règle.

Scène de la vie quotidienne – Crédit : Iwaria, Antoine Plüss

Je me suis entretenu avec mon tonton. Je lui expliquais les gestes barrière et l’importance de l’auto confinement.

D’un ton sarcastique, il m’a répondu que le confinement est un luxe que seuls les riches peuvent s’offrir. Oui la santé coûte chère et les pauvres, qui vivent au jour le jour, ne peuvent pas arrêter leurs activités. Des milliers de Maliens, des petits commerçants, travaillent au jour le jour pour assurer leurs victuailles. 

La vendeuse de froufrou, aujourd’hui comme demain, vaquera à ses occupations, car elle sait que si elle s’arrête elle ne pourra plus se nourrir, en tout cas pas sur des semaines. Les vendeurs du grand marché, le conducteur de sotrama et nos tontons aux villages dans la même situation pensent à leur pain quotidien. Ils sont déjà infectés par le paludisme, la précarité et surtout le manque de confiance en l’Etat et ses hôpitaux.

Les maliens semblent être plus préoccupés par le pain quotidien que le covid-19. Un ami m’a dit que la pauvreté et le paludisme font plus de morts que le coronavirus.  Le monde est cristallisé par la peur de la maladie mais la situation économique déjà dégradée ne fera que s’envenimer avec l’arrêt des activités au niveau mondial.

Les activités économiques vont ralentir donc il y aura une baisse des revenus mais les prix connaîtront une augmentation car les productions auront baissé. Alors comment les Maliens feront face à toutes leurs dépenses ?  Si les activités stagnent ils feront comment pour payer les factures d’eau et d’électricité ?  Et si on tarde à trouver un vaccin au coronavirus, que se passera-t-il ? Aurons-nous suffisamment de réserve alimentaire au niveau national pour prévoir une probable pénurie alimentaire ?

Tant de questions et d’inquiétudes que le covid-19 soulève… En attendant le réveil de l’Etat malien, on vit ici apeurés avec le goût de la chloroquine à la bouche.


4 bonnes raisons de rester chez soi, si vous êtes au Mali

À ce jour le Mali comptabilise zéro cas d’infection au coronavirus, mais mieux vaut prévenir que guérir. Alors voici quatre bonnes raisons pour vous de respecter les mesures barrières.

De la détection de la maladie

Le plus difficile dans le traitement d’une maladie est l’établissement d’un bon diagnostic. Avec l’état critique de nos hôpitaux et centres de santé, il y a de fortes chances que nos toubibs n’arrivent même pas à déceler si vous êtes positifs ou pas au coronavirus. Il se peut que des cas existent au Mali et que nous ne le sachions pas.

De la contagion et de la propagation

D’abord sachez qu’un malien malade ne va pas toujours à l’hôpital, sauf en cas de grave complication. La plupart d’entre nous ici pratique l’automédication avec des médicaments traditionnels, et se fie aux conseils des charlatans. De nombreux corona-sceptiques ne croient pas au coronavirus ou plutôt le voient comme un complot de l’Occident. Bref, il y a des milliers de personnes qui respecteront pas les consignes de sécurité.

Leur ignorance ou négligence est un terrain propice à la propagation rapide du virus. Ils pourront potentiellement vous contaminer. Faites attention à vous. Certains sous-estiment la dangerosité de la maladie, pensent qu’on peut le soigner avec de l’ail ou le citron ou même un bain de soleil. Ce sont des suicidaires éloignez vous d’eux, restez chez-vous.

De la prise en charge médicale

Soyons honnêtes : le Mali ne peut pas convenablement assurer la prise en charge médicale d’un grand nombre de personnes infectées. Nous n’avons ni les compétences ni les matériaux médicaux. Regardez le nombre de morts dans les pays développés malgré le dispositif médical. Maintenant, imaginez le nombre de décès possible dans un pays avec une couverture sanitaire déchirée.

Du laxisme dans les mesures prises par l’État

Vous savez, nous avons un État qui courbe l’échine devant les leaders, pardon, dealers religieux. Les regroupements pour les prières collectives ne sont pas interdits, les élections ne sont pas annulées. À noter tout de même que le Mali vient de fermer ses frontières avec les pays où il y a des cas avérés de contamination.

Alors il ne tient plus qu’à vous de sauver des vies, la vôtre et celle des autres. En ces temps troubles, il n’y a que votre sens élevé de civisme et du patriotisme qui peut se dresser comme un rempart contre le coronavirus au Mali. Renseignez-vous sur les consignes de prévention et respectez-les.


La réalité virtuelle, une opportunité à saisir

A l’heure où j’écris ces quelques lignes, les enfants de tous maliens aux revenus modestes ne partent plus à l’école, pour cause la grève des enseignants. Il y a de fortes probabilités qu’il ait coupure d’électricité avant que je ne finisse la rédaction de ce billet. Mais malgré tout, je parlerai de numérique, de réalité virtuelle au Mali. Une telle entreprise peut sembler être anachronique, voir prématurée avec tous les défis qui ralentissent l’essor des technologies au Mali, mais je suis convaincu que la réalité virtuelle a sa place notre réalité.

L’avantage avec la réalité virtuelle c’est l’infinité des possibilités, l’opportunité de pouvoir l’utiliser dans n’importe quel domaine. A nous de nous approprier pour relever nos défis de développement.

La première expérience avec un casque de réalité virtuelle c’était pour faire l’expérience d’un voyage dans l’espace. Une expérience extraordinaire qui bluffe nos sens, nous transporte dans un monde extraordinaire aux possibilités infinies. Ça m’a ouvert les yeux sur notre réalité, la réalité malienne avec tout ce qu’elle a comme défis et d’opportunités. Je pense que nous pouvons utiliser la réalité virtuelle pour valoriser nos ressources culturelles, historiques, je n’ai aucun doute qu’avec un casque VR nous pouvons revamper notre système éducatif, et même moderniser la médecine.

Quand je faisais le secondaire, il y avait un cours sur le microscope, nous l’avons étudié en théorie sans jamais avoir la chance de voir en vrai ce qu’un microscope. Beaucoup de nos écoles n’ont ni bibliothèque ni laboratoire. Avec la réalité virtuelle, nous pouvons facilement concevoir des laboratoires virtuels, reproduire virtuellement des outils, des expériences scientifiques afin que chaque élève puisse parfaire sa formation.

Avec la réalité virtuelle nous pouvons rendre possible la visite de nos sites touristiques du Mali à travers un casque VR. Nous pouvons écrire ou réécrire notre histoire et nos traditions à travers des jeux, des films pour que vive à jamais notre riche histoire collective. Pour que nos savoirs qui n’existent que dans les mémoires de quelques-uns et qui encore se transmettent par le verbe puissent exister dans le monde de la virtualité à jamais.  

Et pour améliorer la sécurité, la réalité virtuelle peut servir dans l’entraînement de nos forces armées, pour les rendre plus performants, pour qu’ils se familiarisent avec les zones inaccessibles par exemple.

Les domaines du tourisme, du commerce, de l’éducation ou de la santé peuvent être améliorés par les technologies pour peu que nous voulons le changement.

L’Afrique consomme les technologies mais en produit que très peu, alors la réalité virtuelle est l’occasion pour nous de produire nos propres applications, jeux, nos propres contenus pour valoriser nos pays.

J’ose espérer que dans les années à venir nos élèves et étudiants et cela partout dans le pays, pourront faire des expériences dans des laboratoires virtuels, qu’ils pourront apprendre, partager et interagir avec des outils pour construire, se construire avec les outils éducatifs qu’offre la réalité virtuelle.

 Notre grandeur vient de notre capacité à façonner, à construire selon nos besoins notre réalité pour le bien de nous tous.